Jean Victor Millet
Né le 7 Avril 1802 à Caderousse fils de défunt Jean Antoine Millet et Catherine Roche mariés.
Pour le présenter laissons la parole à Frédéric Mistral qui fut son élève, dans « Mémoires et souvenirs »
« Et, alors, il fallut me chercher une autre école pas trop éloignée de Maillane, ni de trop haute condition, car nous autres, campagnards, nous n’étions pas orgueilleux et l’on me mit en Avignon chez un M. Millet, qui tenait pensionnat dans la rue Pétramale.
Mais bref : le lendemain, après avoir embrassé ma mère et le cœur gros comme un pois qui aurait trempé neuf jours, il fallut s’enfermer dans la rue Pétramale, au pensionnat Millet. M. Millet était un gros homme, de haute taille, aux épais sourcils, à figure rougeaude, mal rasé et crasseux, en plus, des yeux de porc, des pieds d’éléphant, et de vilains doigts carrés qui enfournaient sans cesse la prise dans son nez. Sa chambrière, Catherine, montagnarde jaune et grasse, qui nous faisait la cuisine, gouvernait la maison. Je n’ai jamais tant mangé de carottes comme là, des carottes au maigre en une sauce de farine. Dans trois mois, pauvre petit, je devins tout exténué.
J’en avais, à certains jours, le cœur serré de nostalgie, et, cependant, M. Millet, qui était fort bon diable au fond, avait quelque chose en lui qui finit par m’apprivoiser. Comme il était de Caderousse, fils, comme moi, d’agriculteur, et qu’il avait dans sa famille toujours parlé provençal, il professait, pour le poème du Siège de Caderousse, une admiration extraordinaire ; il le savait tout par cœur, et à la classe, quelquefois, en pleine explication de quelque beau combat des Grecs et des Troyens, remuant tout à coup, par un mouvement de front qui lui était particulier, le toupet gris de ses cheveux :
– Eh bien ! disait-il, tenez ! C’est là l’un des morceaux les plus beaux de Virgile, n’est-ce pas ? Écoutez, pourtant, mes enfants, le fragment que je vais vous citer, et vous reconnaîtrez que Favre, le chantre du Siège de Caderousse, à Virgile lui-même serre souvent les talons :
Un nommé Pergori Latrousse, Le plus ventru de Caderousse, s’était rué contre un tailleur… Ayant bronché contre une motte, Il fut rouler comme un tonneau.
Si elles nous allaient, ces citations de notre langue, si pleine de saveur ! Le gros Millet riait aux éclats, et, pour moi qui, dans le sang, avais, comme nul autre, gardé l’âcre douceur du miel de mon enfance, rien de plus appétissant que ces hors-d’œuvre du pays. M. Millet, tous les jours, par-là, vers les cinq heures, allait lire la gazette au café Baretta, – qu’il appelait le « Café des Animaux parlants », – et qui, si je ne me trompe, était tenu par l’oncle ou, peut-être, par l’aïeul de Mlle Baretta, du Théâtre-Français ; ensuite, le lendemain, lorsqu’il était de bonne humeur, il nous redisait, non sans malice, les éternelles grogneries des vieux politiciens de cet établissement, qui ne parlaient jamais, en ce temps, que du Petit, comme ils appelaient Henri V. »
Jean Millet est décédé le 31 décembre l’an 1876 dans sa maison à Avignon 34 place des Corps-Saints et à l’âge de 73 ans.
Il repose dans la tombe familiale au cimetière de Caderousse dans laquelle se fit également enterrer Paul Marquion.
Un bel hommage