Origine du nom de Caderousse et antiquité
Les noms des deux villes Caderousse et Orange ont tellement été transformés que l’on ignore souvent qu’elles ont une origine commune.
Les apports de la toponymie :
La racine AR est une vieille racine pré-indoeuropéenne signifiant « rivière » ( Ardèche, Argens, Artuby, Arve, Ariège …….).L’Aygues dont le nom s’est transformé ( Araous, Arar, Eigarar, Eigarus, Egue, Eygues, Aygues) passait autrefois dans la ville ,du moins un de ses bras. Elle a laissé son nom à la ville antique Arausio. (Il reste encore le quartier de l’ARAIS )
Le nom s’est ensuite transformé: ARAUSIENSIS en 788,AURENGIE en 1136,AURENGA en 1152,ORANGES en 1476 mais toujours AURENJO en provençal
Pour Caderousse:en provencal CADAROUSSA
En 1080 elle se nomme CADAROSSA. On reconnait dans le nom , le suffixe AROUS rappelant le nom ancien de l’Aygues. CAD-AROUS
La racine pré indo européenne « KAT » ou « CAD » signifie chute, tomber comme dans « Cat-aracte ou cad-uque » , il est donc logique de penser que l’Aygues qui se jetait à l’époque par un de ses bras dans ce lieu lui a laissé le nom. Le nom a ensuite été francisé en CADEROUSSE.
On retrouve la même origine pour CADEROT au bord de l’étang de BERRE , CADARACHE près de MANOSQUE ou CADERACHE après Roquemaure.
Caderousse est effectivement le confluent de l’Aygues et du Rhône.
(Sources : Charles ROSTAING Essai sur la Toponymie de la Provence 1973)
Les apports de la topographie :
Le cadastre romain d’Orange 77 ap.JC n’est pas hélas suffisamment complet pour conforter cette hypothèse concernant le cours de l’Aygues antique. Certains chercheurs situent les fameuses iles Furianae sur le Rhône au niveau de Caderousse, d’autres au niveau de Villeneuve, d’autres encore ailleurs. Il y ensuite à ma connaissance une grande lacune cartographique de 15 siècles !!.
Regardons la carte de Stefano Guebellini du Comtat Venaissin (1620)
On y voit l’Aygues se diviser en deux en amont d’Orange et de Sérignan. Un bras se jetant au nord au niveau de Gabet et de l’ancien port de Balthazard et l’autre au sud dans la zone du Lampourdier sur laquelle nous reviendrons plus tard.
L’Aygues antique passait elle par Orange. Certains éléments nous le font penser.
Des fouilles archéologiques en 1963 ont montré au niveau du Lycée de l’Arc la présence d’amphores laissant supposer peut être l’emplacement d’un port sur l’Aygues navigable à l’époque.
C’est à la suite d’endiguements répétés, dont on trouve trace dans les archives d’Orange et destinés à mettre la ville à l’abri des crues dévastatrices, que l’Aygues quittera son lit principal, au cours du XVe siècle.
On notera que lors de nombreuses crues ultérieures l’Aygues est venu envahir Orange retrouvant peut être son ancien lit :
« On trouve trace d’une crue dès la fin du 1er siècle qui provoqua l’abandon des habitations gallo-romaines de Pourtoules et de Saint-Florent. Un texte de 1538 nous dit: “Cette ville (Orange) est souvent affligée par les fréquents ravages du cours impétueux de la rivière Aygues. Mais il n’en est de mémoire d’aucun plus extraordinaire que celui qui survint le 3 septembre vers midi. Car alors il se déborda si furieusement qu’il vint heurter contre la ville, heurta la porte du Pont Neuf et entra dedans en telle abondance que la place du Cire et toutes les rues de la ville étaient plages de mer”.
Quelques dates de crues importantes :
26 août 1622, inondation exceptionnelle qui emporta le Pont de Langes ; 9 septembre 1907, Orange est envahie par les eaux de l’Aygues ; 24 septembre 1924, les ruptures de digues provoquent l’inondation d’Orange »
Source (Maison régionale de l’eau)
On peut aussi rajouter la source de l’ Arais au niveau d’Intermarché, le quartier du Jonquier et la présence visible sur la carte de Guebellini de deux résurgences entre Orange et Caderousse au quartier des Laurons (en provençal résurgence ) et des Graves !( Gravier), sources toujours actives se jetant au niveau du village de Caderousse.
Il y a fort à parier que ces deux résurgences se situent sur l’ancien lit d’un bras de l’Aygues de même que d’autres sources comme la Baussenque entre Camaret et Orange.
Orange et Caderousse sont surement à l’époque antique dans un zone de delta de l’Aygues avec différents bras en tresse. De nombreux gourts , terres basses gorgées d’eau toute l’année impropres à la culture et plantées de peupliers blancs jalonnent le territoire entre Orange et Caderousse et témoignent d’anciennes lônes de l’Aygues. Le quartier des Mians (mejean) est au milieu de ce delta et la Meyne (medenam fluvium=fleuve au milieu) qui se jette au niveau du Lampourdier est probablement à l’époque antique un bras méridional de l’Aygues.
On notera que ce bras de l’Aygues se jette dans la zone du port romain d’Auriac et que la colline du Lampourdier ou Lampoudrier autrefois a été occupée par un ancien comptoir de commerce celte puis massaliète du VI e siècle au II e siècle avant notre ère (M.E BELLET).De nombreuses amphores et pièces de monnaies y ont été trouvées par des archéologues amateurs. Concernant ce toponyme de Lampourdier ou Lampoudrier j’émets une hypothèse audacieuse mais sachant combien les noms se déforment elle me parait plausible.
Le dictionnaire universel Français Latin de Trévoux de 1771 parlant de la ville d’Ampurias en Catalogne, attestée comme un antique port gréco romain nous dit : « AMPOURDAN, ou AMPURDAN, mais prononcez Ampourdan. Petit pays de la Catalogne, dont la capitale est Ampurias, de laquelle il a tiré son nom. Ampuriensis ager, ou Emporiensis, ou Emporitanus tractus. Dans l’usage, on dit le Lampourdan, du Lampourdan, par une corruption manifeste, qui du nom et de l’article en a fait un nouveau nom ».
Ainsi même si le toponyme lampourdier désigne en provençal un endroit planté de bardane aux fruits qui accrochent, le sol de garrigue convient peu à cette plante, aussi j’y verrai davantage la trace de notre ancien comptoir massaliète !!
Jean-Paul MASSE